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Déparlons un peu motifs, workshop avec Olive Martin et Patrick Bernier
ENSA Limoges,
dans le cadre de la semaine Charivari, du 28 janv. au 1er fév. 2019

avec Juliette Couronne Genard, Benjamin Dubreuil, Luigi Fredou, Camille Houllier, Charlotte Platevoet, Léa Martin, Sonya Chafiq, Yu Feng, Marie Correia, Rui Shu, ...

 

Le Déparleur est une œuvre-outil, une sculpture-métier-à-tisser qu'activent régulièrement dans l'espace public Olive Martin et Patrick Bernier. Il étend loin ses fils de chaîne à la manière des tisserands d’Afrique de l’ouest auxquels il emprunte la technique. Sous sa structure en échafaudage, il abrite poulie, lacs, lisses et peigne et invite les curieux à se joindre aux tisserands pour moduler le motif de leur tissage. Hybride, l'objet technique se fait lieu de rencontre, crée une situation dont témoigne le motif tissé, enregistrement des échanges.
Un motif est l'exécution d'un programme, d'un algorithme. Comment concevoir celui-ci pour qu'il se module en fonction des évènements ou de l'interaction humaine? À partir de leur expérience textile et de lectures d'extraits "Du mode d'existence de l'objet technique" de Gilbert Simondon, Olive Martin et Patrick Bernier invitent les étudiants à concevoir des dispositifs participatifs et des motifs parlants qui pourront être déclinés sous toutes formes d'édition.
L'invitation de Olive Martin et Patrick Bernier s'inscrit en parallèle de leur résidence cette année à Quartier Rouge, et dans la suite de leur rencontre avec les étudiant·e·s de A4 et A5 art en mai 2018.

 

 


Retour de workshop, par Olive Martin et Patrick Bernier :

Nous sommes arrivés avec dans nos bagages les éléments mobiles du métier à tisser -lisses, pei- gne, navettes- que nous montons habituellement dans une structure d’échafaudage et auquel nous avons donné le nom de Déparleur. Pour le workshop, nous avions convenu que nous trouverions dans l’école, l’endroit et les matériaux nécessaires pour accueillir le métier et que cette mise en place permettrait d’aborder le premier axe de l’atelier : la construction de son outil. L’aide apportée par l’atelier Volume a été primordiale dans ce premier temps.
Nous avons pu ainsi, dès le mardi midi, tendre la chaîne que nous avions ourdie en amont, avec un système de sélection de fils par blocs permettant de réaliser un motif modulable. Nous avions conçu ce système pour tisser un contrat textile basé sur l’entrelacement concerté de quatre brins représentant chacune des parties dudit contrat.
Après quelques passages de navette et l’apparition d’un début de motif nécessaires pour se famil- iariser avec le maniement de l’outil, la question s’est posée de la poursuite du motif et de son sens. Un des moments charnières de l’atelier, toute décision étant prise en collectif. L’une des étudiantes ayant décliné notre suggestion d’identifier chacun.e d’entre nous à un brin de manière à poursuivre l’entrelacs, l’embryon de motif tissé est alors apparu comme deux formes indépendantes que nous pouvions faire évoluer. Et ainsi après une ponctuation de blanc et d’un filet bleu, ce que nous avons appelé une seconde vignette est apparue.

Dès lors chaque nouveau motif a été pensé et tissé collectivement après différentes modalités de concertation et de choix. Chacun demandant, entre conception, sélection et tissage, une petite demi journée.
On touche là un enjeu important du workshop. Le rapport au temps et à la production. Il n’était pas évident, dans le contexte de Charivari, au milieu de la multiplicité des ateliers, certains à l’activité frénétique et jubilatoire, de tenir cette espèce d’ascèse du tissage. La productivité exerce une fasci- nation, particulièrement dans une école d’art, où ce qui est produit est comme la personnalité des apprentis-artistes en train de prendre forme. Où donc l’épanouissement passe par la production.
Et pourtant au regard des enjeux actuels d’écologie planétaire et de surproduction globale, il nous semble urgent de réfléchir à cette équation.
Le rapport au collectif a pu lui aussi apparaître pesant pour certain.e.s. Mais c’est là aussi un enjeu majeur de la démocratie à venir.
Simondon nous a moins accompagné que nous l’imaginions mais d’autres documents ont nourri la réflexion collective. Un étudiante a ainsi partagé avec nous trois recueils de motifs de textiles chi- nois ; Deux autres qui se préparaient à répondre à un concours d’étudiants pour le festival de Chau- mont ont fait le parfait lien entre le texte de présentation dudit concours et la manière dont nous fonctionnions autour du déparleur ; un dessin et sa légende envoyé par Olive et exposé pour les portes ouvertes a permis aussi d’aborder la relation homme-machine.

Outre le bâti du métier à tisser et la bande tissée, ont été réalisés :
- une vidéo par deux étudiantes à partir de prises de vue de notre activité de tissage, montées sur des interprétations collectives de nos motifs. Cette vidéo de 13min a été projetée lors de la restitu- tion de l’atelier. Elle s’accorde assez bien avec l’intitulé de l’atelier : “Déparlons un peu motifs”.
- deux séries d’expérimentations en impression riso, réalisées par deux autres étudiantes. Un tirage a été présenté lors de la restitution, imprimé d’après une photo prise par une étudiante du work- shop photo.
- une installation complètement indépendante, mais néanmoins relié au workshop par le fait de concevoir son outil, il s’agissait d’un four à bougie pour cuire un œuf, par le seul étudiant du groupe (l’autre inscrit s’étant rapidement envolé vers un autre atelier).